PROLOGUE
25 ans plus tôt
— Nous n’avons plus le choix Kaly, leur futur en dépend. La jeune femme tenait fermement son nouveau-né dans ses bras, tandis que l’enfant dormait paisiblement, ignorant ce qui l’attendait, tout comme l’enfant à côté, bercé par la tendresse de sa propre mère.
— J’en suis consciente, Sohane. Les choses doivent changer pour notre peuple. L’oppression doit prendre fin. Mais… Son amie l’interrompit.
— Alors, tu sais que ce sacrifice en vaut la peine.
Sohane entrouvrit la porte massive du sanctuaire avec la conviction d’offrir un jour meilleur aux siens. Sans hésiter, elles pénétrèrent dans l’obscurité des lieux. L’air était imprégné d’une odeur de feuilles séchées, vestige du passage lointain des sacrificateurs. Les murs fissurés, témoins silencieux d’anciennes prières et repentirs oubliés qui semblaient encore murmurer des échos du passé. Les deux femmes se dirigèrent prudemment vers l’hôtel, en faisant attention aux cadavres d’insectes jonchant le sol. Elles serraient contre elles leur espoir avec affection. Des larmes amères roulèrent sur les pommettes saillantes de Kaly. Elle avait fui le palais en secret, consciente que son époux, le roi, ne lui pardonnerait jamais sa trahison. Il ne croyait plus au Très-Haut. Ses concubines étrangères l’avaient détourné du droit chemin. Kaly avait jeûné pour avoir son fils. Le Très-Haut avait exaucé ses supplications. Sohane s’était éloignée de sa maison, emportant avec elle son enfant. Après trois jours de chevauchée exténuante, elle avait enfin rejoint son amie. L’épuisement marquait profondément ses traits, mais sa détermination restait intacte. Peu de personnes connaissaient l’existence de la prophétie. Elles se souvenaient de qui elles étaient vraiment. Certes, le prix à payer était élevé, mais elles l’acceptaient. Elles s’agenouillèrent et déposèrent leurs nourrissons au pied de l’hôtel, les mains levées vers le ciel, dans un murmure inaudible; elles imploraient la délivrance. Un grondement assourdissant brisa le calme, l’air devint plus rare. Une clarté éblouissante les força à s’incliner davantage. Une voix rude, semblable au roulement du tonnerre, envahit l’espace, faisant frémir les jeunes femmes.
— Je vous attendais, arrière-petites-filles d’Abraham. J’ai entendu vos prières.
Personne n’osait regarder le Créateur droit dans les yeux. Seuls les plus honorables et les plus courageux étaient dignes de se tenir à ses côtés. La chaleur était devenue si étouffante que la sueur perlait sur le dos de Sohane. Son épaisse tunique semblait désormais inutile. Quant à Kaly, ses efforts pour retrouver une respiration normale étaient vains. Les mauvais traitements infligés par son mari avaient laissé des marques profondes en elle.
— Le Roi des rois, vous connaissez nos tourments. Nos ennemis gagnent du terrain.
— Oui, je les connais, mon enfant. C’est pourquoi j’ai veillé à ce que ton époux soit fécond, lui permettant ainsi d’avoir le fils qui se tient à mes pieds. Et, ma chère Sohane, que ta fille soit son cœur et son phare. L’un ne va pas sans l’autre, malgré la nécessité imminente de leur séparation.
— Comment ça ? Sohane hoqueta de surprise, perturbée par l’audace de son amie.
— J’ai des projets pour chacun d’eux. Vous êtes ici parce que vous avez obéi à ma voix. Je veillerai sur vos enfants jusqu’à ce qu’ils soient prêts. Ensuite, ils devront accomplir le destin que je leur réserve : celui qui libérera mon peuple de ses ennemis. Sohane, tu retourneras chez toi avec ta fille jusqu’à ce que je te rappelle à moi. Quant à toi, Kaly, tu connaîtras un triste destin. Tu mourras avant même que le soleil ne se lève. Le manque de dévotion a gangrené ton mariage. Tu mourras de la main du roi. Mais lui subira une mort lente et douloureuse lorsque ton fils aura atteint l’âge de maturité. Vos sacrifices ne seront pas en vain. La pointe des cheveux frisés de Sohane effleurait le visage de son bébé. La petite éternua, mais ne se réveilla pas. Le Créateur posa un regard empreint de tendresse sur les deux nourrissons déposés à ses pieds. Pris d’un élan de générosité, il sortit sa main brune de la manche de sa tunique dorée, qui rayonnait sans cesse, et traça un signe d’or dans la paume droite de chacun des nouveau-nés. Trop profondément endormis, ils ne réagirent pas.
— Ils sont ce que les mortels appellent des âmes sœurs. Séparés, ils seront maudits. Unis, ils seront invincibles. Telle est ma bénédiction.
Copyright © 2025 July Jackson - Tous droits réservés.
Powered by GoDaddy
Nous utilisons des cookies pour analyser le trafic du site Web et optimiser votre expérience du site. Lorsque vous acceptez notre utilisation des cookies, vos données seront agrégées avec toutes les autres données utilisateur.